Traditionnellement, on explique le “mur” par l’épuisement du glycogène, la fatigue musculaire ou la déshydratation.
Mais ces causes ne disent pas tout.
Selon Véronique Billat, notre système nerveux central agit comme un gouverneur invisible.
Il surveille en permanence les signaux de stress physiologique, et quand le danger approche, il freine volontairement l’effort pour protéger l’organisme.

Ce “ralentissement cérébral” se manifeste sous forme de :

• sensations de lourdeur ou d’incoordination,
• baisse soudaine de la concentration,
• envie de ralentir sans raison apparente.

Autrement dit : le cerveau te parle, mais tu ne l’écoutes pas toujours.

‍

Dans ses travaux, Billat et son équipe utilisent des EEG (électroencéphalogrammes), couplés à des mesures physiologiques (VO₂, fréquence cardiaque, lactate…) et à des modèles d’intelligence artificielle.
Leur but : détecter les signaux cérébraux précoces qui annoncent la chute de performance avant même qu’elle ne se produise.

Ce que l’on découvre, c’est que le cerveau réagit parfois plusieurs minutes avant le corps.
Avant la baisse de vitesse, avant la dérive cardiaque, avant le mur.

Demain, on pourrait imaginer une montre connectée qui te prévient :

“Ton cerveau commence à lever le pied, ralentis maintenant pour sauver ton finish.”

Science-fiction ? Peut-être pas pour longtemps.

Même sans IA ni électrodes, tu peux commencer dès maintenant à courir de façon plus consciente.
Voici trois signaux mentaux qui méritent ton attention :

1. Tu décroches mentalement.
   Tu arrêtes de penser à ta foulée, tu “flottes” dans ton effort.
   ➜ C’est souvent un signe précoce de fatigue cognitive.
2. Ton geste devient moins fluide.
   Les bras se crispent, la foulée se désunit.
   ➜ Le cerveau tente déjà de protéger le corps.
3. Ton discours intérieur change.
   Tu passes de “je gère” à “je n’en peux plus”.
   ➜ Le mur commence à se construire.

👉 Dans ces moments, ralentis légèrement, prends quelques respirations profondes, et réajuste ton attention sur ton mouvement.
Tu verras souvent que le corps repart de lui-même.

Les données de ta montre sont précieuses : elles objectivent ton effort.
Mais elles ne disent rien de ton état interne.
Courir “avec ton cerveau”, ce n’est pas renier la technologie, c’est l’utiliser sans lui obéir aveuglément.

Essaie sur ta prochaine sortie longue :

• Alterne 10 minutes d’écoute “interne” (sans regarder ta montre),
• puis 10 minutes “pilotées” (en suivant ton allure cible).
• Compare ensuite les sensations : souvent, ton corps ajuste naturellement son rythme de manière plus fluide.

‍

La recherche actuelle explore la convergence entre neurosciences et performance.
Les coureurs de demain pourraient bénéficier de dispositifs capables de prédire le mur avant qu’il ne se manifeste.
Mais d’ici là, l’outil le plus puissant reste gratuit : ta conscience.

Prends le temps d’écouter ton mental.
Il est ton meilleur coach, ton meilleur baromètre, et parfois, ton meilleur frein de sécurité.

• Le cerveau détecte la fatigue avant les jambes.
• Le “mur” commence souvent dans la tête avant d’apparaître sur la montre.
• Entraîner ton écoute mentale améliore la gestion de l’effort et la longévité en course.
• Courir intelligemment, c’est apprendre à écouter sans paniquer.

‍

• Véronique Billat, Before the Wall: Listen to Your Brain, Not Your Watch!
• Billat, V. (INSERM / CNRS), travaux sur le “gouverneur central” et la régulation de l’effort.

‍